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Organisée le vendredi 31 mars 2006 à l'initiative
des associations de familles rurales, la rencontre-débat a eu lieu à Saint
Benoît-du-Sault dans l’Indre et était animée par quatre intervenants du réseau Être-Indre.
Un public très nombreux et varié assistait à la rencontre : médecins,
personnels soignants, beaucoup d'auxiliaires de vie, proches de malades ou
encore des personnes qui se posent des questions à propos de la maladie.
La séance s’est déroulée en deux parties : la
projection d’un film de 25 minutes, Alzheimer mon amour tourné en 1998 et des
questions-réponses.
Le film
Le film Alzheimer mon amour présente des moments
de vie au quotidien de deux couples issus de milieux plutôt aisés : des
personnes cultivées. Le choix de ces deux couples est volontaire, il faut bien
comprendre que, même si l'on doit se garder de généralisations excessives,
souvent, dans les milieux modestes, les difficultés rencontrées sont encore
plus grandes.
Dans le 1er cas, c'est la femme qui est atteinte.
Elle a entre 65 et 70 ans, est toujours fort jolie, vit à son domicile, auprès
de son mari qui veille sur elle; ils sont aidés par une auxiliaire de vie.
Leurs enfants et petits-enfants viennent les voir - leurs amis aussi = ce qui
est un soutien moral considérable. Elle est totalement dépendante pour tous les
actes de la vie quotidienne et soliloque souvent, à voix assez basse.
Comme ce couple dispose d'un grand jardin, il est
facile de promener A-M; son mari l'emmène aussi marcher à la campagne. Il la
tient par la main. Quelles que soient les difficultés rencontrées, le mari
témoigne : il aime sa femme et tient, grâce au souvenir des jours heureux;
il n'envisage pas de continuer à vivre si sa compagne décède.
Dans le 2ème cas, c'est l'homme qui est atteint
depuis 1995 (il a environ 75 ans). Sa femme témoigne : ils ont d'abord
continué tous deux à vivre chez eux (un pavillon entouré d'un jardin) mais Mme
X. a dû se résoudre à faire entrer son mari, devenu très violent (en paroles et
en gestes) dans un service spécialisé du C.H.U de Nantes, où il paraît plus
calme et où il a pris ses repères. Le personnel est très attentif et
chaleureux, dit Mme X. Elle va voir son mari tous les jours, pas très longtemps
car il oublie vite sa présence. Mais elle note parfois des moments de lucidité.
Dans ce 2ème témoignage, Mme X. qui a tenu un
journal de l'évolution de l'Alzheimer chez son mari, fait mention d'une scène
particulièrement éprouvante pour le malade comme pour elle : M. X qui se
voit en pied dans une glace du couloir dit à sa femme : « Va voir qui
c'est, ce type, dans le couloir. Qu'est-ce qu'il veut ? » Il soliloque à
haute voix, sans arrêt, répétant les mêmes choses, envoie les objets promener.
Dans les deux cas il y souffrance, mais l'amour
conjugal durable est évoqué comme une aide puissante. AMOUR est le mot-clé.
Un long moment de silence s'est écoulé, après la
projection. Le film Se souvenir des belles choses, une fiction très
intéressante et émouvante de Zabou Breitmann a été évoqué aussi par les
intervenants du réseau Être-Indre car il met en scène une toute jeune femme
atteinte de la maladie d'Alzheimer, laquelle progresse d'autant plus vite chez
elle qu'elle est jeune.
Sur la
maladie d'Alzheimer et les tensions créées
Question : la maladie d'Alzheimer
entraîne-t-elle forcément des troubles de la mémoire ?
Réponse : Elle les entraîne systématiquement.
Ce sont des troubles très particuliers. Rien à voir, par exemple avec : « Où
ai-je garé ma voiture ? Sur le parking d'une grande surface », « Qu'est-ce que j'ai fait de mes clés ? etc. »
- « Ah ! Ce nom ! Je l'ai sur le bout de la langue. »
La personne perd le sens de l'orientation dans
l'espace, dans le temps, présente des troubles du jugement, du langage. Les
objets de la vie quotidienne ne sont plus identifiés, au stade avancé de la
maladie.
Les malades désapprennent. La maladie d'Alzheimer
est irréversible.
Dans le
public, un homme témoigne de sa vie avec sa femme malade
qu'il
aime tendrement, dit sa crainte de mal faire, avant de recevoir de l'aide,
ainsi que la fatigue pour le conjoint engendrée par l'évolution de l'Alzheimer.
Il précise cependant que sa femme ne dort pas mal la nuit.
Réponse - Un tel sommeil est rare chez les
malades Alzheimer, dont l'horaire de veille et de sommeil est le plus souvent
inversé, irrégulier. Beaucoup de conjoints bien portants perdent peu à peu le
sommeil, obligés qu'ils sont de veiller sur leur malade, la nuit. Christine
cite le cas d'accompagnants (conjoints ou autres membres de la famille) ne
dormant que trois heures par nuit depuis 10 ans ...)
Dans l'Indre, pour soulager un peu les aidants,
des projets d'accueil de jour (dont un à Argenton-sur-Creuse) sont à l'étude
pour permettre aux aidants de se reposer; on travaille également à mettre au
point des « séjours temporaires de répit ».
Le monsieur qui témoignait reprend la parole, pour
remercier les habitants de St Benoît-du-Sault qui, connaissant la maladie de sa
femme, font preuve de solidarité envers le couple. A l'amour, mot-clé, on peut
en ajouter un autre = l'entraide, certains prenant de plus en plus conscience
que la maladie d'Alzheimer, cela n'arrive pas qu'aux autres ...
Une autre personne témoigne, dans le public :
une femme dont le père (très aimé) est malade. Elle explique bien comment elle
a refusé de croire son père atteint de l'Alzheimer, combien celui-ci était
malheureux de se sentir diminué; il « trichait » pour masquer ses
problèmes de mémoire. Un moment donné, tous deux se sont retrouvés face à un
mur, par incompréhension mutuelle. La fille a même « ressenti de la haine »
envers son père, jusqu'au moment où elle a enfin compris l'évolution de la
maladie et où elle a reçu de l'aide.
Son père se trouve à présent en maison de retraite :
il y a ses repères. La famille a cru lui faire plaisir en organisant une
réunion à son ancien domicile. En fait, au bout d'une heure, il était
complètement troublé ne sachant plus s'orienter dans sa propre maison.
Réponse - Après ce 2ème témoignage très
émouvant, la psychologue, Valérie, nous explique que personne (conjoint ou
enfant) ne reconnaît la maladie d'Alzheimer, dans un premier temps, tellement
on veut que la personne touchée aille bien. Ce qu'on « hait » ce n'est
pas la personne mais sa maladie. Notre premier réflexe « air bag « ,
c'est de la refuser : « Non ! Ce n'est pas possible ! » Les
malades, eux, ont parfaitement conscience de ce qui se passe. Chacun (le malade
comme son parent) cherche à protéger l'autre. D'où, l'impasse, « le mur »
dont parlait la personne à propos de sa relation avec son père, au début de la
maladie.
Question : la maladie d'Alzheimer est-elle
héréditaire ?
Réponse - Une conférence a eu lieu en 2005 au
Centre hospitalier de Bourges avec pour intervenant un spécialiste de la M.A.
de la Salpêtrière à Paris. Il revenait d'un congrès mondial, à Washington. Il
ressort, dans l'état actuel des connaissances au sujet de la maladie
d'Alzheimer.
1°) Qu'on ne peut
pas assurer qu'elle soit transmise génétiquement.
2°) Que dans 0,3%
des cas, on trouve plusieurs personnes malades, dans plusieurs générations
d'une même famille.
Il existe chez certains une telle peur de
développer à leur tour une maladie d'Alzheimer, leur père ou leur mère ayant
été frappé, qu'ils sombrent peu à peu dans un état dépressif. Ils risquent,
effectivement d'être malades par « imprégnation ». Ils se
conditionnent = « c'est fatal ! Il (elle) l'a; je l'aurai. »
Question : pourquoi tant de
violence, verbale ou physique, chez ces malades ?
Réponse - Tout est multiplié par dix chez les
personnes atteintes : aussi bien les colères que les élans d'amour. Elles
gardent jusqu'au bout des élans de lucidité mais elles n'ont plus ce vernis
social policé qui facilite les échanges. Elles ont leur propre logique, qui
n'est pas la nôtre. L'avancée dans le toujours plus dur se fait différemment
selon les malades : certains l'admettent plus sereinement que d'autres;
pour ceux-ci, ce qu'ils ne peuvent plus faire les rend très agressifs. Mais
parler de « méchanceté » à leur endroit n'a pas de sens.
Question : que faire quand les
malades mangent avec les doigts ?
Réponse - Comment mangeait l'homme préhistorique
? Avec les doigts. Dans la maladie d'Alzheimer, ce sont les zones les plus
récentes du cerveau, dans l'évolution de celui-ci, qui sont touchées. Les
comportements venus du fond des temps restent. Si l'on s'entête à vouloir faire
manger le malade à la fourchette ou à la cuillère, il va s'opposer et même, ne
plus vouloir s'alimenter.
Question : des personnes jeunes
peuvent-elles être atteintes ?
Réponse - Oui. Ces cas sont rares, à 30 ans mais
il y en a. Il faut savoir qu'alors (comme pour certains cancers) plus la
maladie débute tôt, plus elle évolue vite. L'espérance de vie est courte chez
ces malades.
Question : a) Est-ce que, comme dans
la dépression, un évènement grave peut ouvrir la porte à la maladie d'Alzheimer
?
b) Frappe-t-elle davantage les femmes que les hommes ?
Réponse - a) Oui, dans 9 cas sur 10, la
famille du malade est capable d'identifier un évènement important ayant marqué
l'apparition de la maladie (accident de voiture, deuil, par exemple)
b) Jusqu'à présent, la maladie touchait davantage les femmes, d'une part parce
qu'elles sont plus nombreuses et vivent plus longtemps que les hommes. D'autre
part, parce que dans les générations précédentes, les femmes faisaient moins
d'études qu'eux.
La tendance pourrait s'inverser à l'avenir, les
filles faisant de plus en plus d'études et se montrant souvent plus
travailleuses et brillantes que les garçons.
Question : une dépression grave peut-elle
évoluer en maladie d'Alzheimer ?
Réponse - Oui. Mal diagnostiquée, mal soignée,
elle le peut. D'autant plus que beaucoup de malades refusent catégoriquement
d'aller passer des tests. Il y a, chez certains, un tel refus de la vieillesse
et de la mort qu'ils préfèrent se réfugier dans la démence plutôt que
d'affronter la réalité de la mort. (Les intervenants citent ensuite les travaux
du Docteur Jean Maisondieu.)
Question : pouvez-vous nous donner des
chiffres, des statistiques ?
Réponse - En janvier 2005, on comptait 830 000
malades avérés en France (diagnostiqués Alzheimer). Chaque année, on compte au
moins 220 000 nouveaux cas parce que la population vieillit.
Question : et dans l'Indre ? Y a-t-il
une moyenne d'âge établie ?
Réponse - En 2004, on comptait 2 600 cas de
maladie d'Alzheimer et de démence diagnostiqués. (pour une population de plus
de 23 0000 habitants). Il y a 800 personnes atteintes d'Alzheimer aidées
dans le département de l'Indre.
La réalité approche plutôt les 3 500 cas. Beaucoup
de malades, insistons là-dessus, refusant de passer les tests.
La moyenne d'âge n'est pas établie pour le moment.
Le médecin intervenant insiste sur la difficulté
du diagnostic. On procède par élimination = tumeur au cerveau ? Autre formes de
démence ? Dépression sévère ? Alzheimer quand les autres hypothèses sont
éliminées et que les tests sont probants.
Il faut tout de même savoir qu'on se hâte parfois
à tort dans les familles d'étiqueter Alzheimer des patients qui ne relèvent pas
de cette maladie.
Ce qui
s'adressait surtout aux personnels soignants et aux auxiliaires de vie
1) D'abord, un rappel : la personne atteinte
de la maladie d'Alzheimer est un adulte qui a désappris; ce n'est en aucun cas
quelqu'un qui « retombe en enfance ». Donc il faut se garder de
l'infantiliser. Par exemple on ne parlera pas de « couche » (c'est
pour les bébés) mais de « protection ».
Les malades ne sont pas « le papy », « la
mamie » mais Monsieur Untel, Mme Unetelle. Leur parler à la 3ème personne
= « Il va se lever, elle va manger gentiment ... » ou bien « on
va se coucher... » « on va prendre la douche » sont des
formulations à éviter. La dignité des malades est à respecter !
2) L'équipe d'intervenants, en réponse aux
remarques des personnels soignants et des auxiliaires de vie, en particulier
constate que la formation donnée consacre très peu de temps à la spécificité de
la maladie d'Alzheimer. Et travaille, de son côté, pour obtenir un changement à
cette situation.
Dans une conclusion à cette rencontre débat, les
intervenants disent que ce qui améliorerait les choses, ce serait les échanges
de personnels, d'un centre hospitalier à l'autre, d'une maison de retraite à
l'autre etc. pour aller voir ce qui a avancer, dans certaines équipes et
échanger des observations, des savoir-faire. Là aussi, l'entraide.
Jo et Philippe ont assisté à cette soirée débat
car ils sont directement concernés avec une maman diagnostiquée en fin d'année 2005.


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